Récit d’un premier voyage au bled

Crédit photo: DIALLO Dalla

I 19.09.23 I Dalla DIALLO

Dalla DIALLO, 23 ans, a rejoint l’équipe Bissai Media en tant que stagiaire social media. Dans cet article, elle raconte son premier voyage dans l’un de ses pays d’origine qui est le Mali. Ce voyage, elle l’a fait au côté de sa maman qui n’y était pas allée pendant 24 ans pour des raisons personnelles ainsi que son grand frère pour qui ce voyage était également le premier. Elle partage son ressenti avant et à l’arrivée sur le territoire malien, son séjour à Kayes ainsi que les leçons de vie que ce voyage lui a apporté.

Dalla DIALLO, 23 ans, a rejoint l’équipe Bissai Media en tant que stagiaire social media. Dans cet article, elle vous raconte son premier voyage dans l’un de ses pays d’origine qui est le Mali. Ce voyage, elle l’a fait au côté de sa maman qui n’y était pas allée pendant 24 ans pour des raisons personnelles ainsi que son grand frère pour qui ce voyage était également le premier. Elle vous partage son ressenti avant et à l’arrivée sur le territoire malien, son séjour à Kayes ainsi que les leçons de vie que ce voyage lui a apporté.

Première fois au bled : se sentir comme à la maison dans un pays inconnu

Depuis quelques années, je ressens le besoin d’aller en Afrique, y vivre, et visiter mon pays d’origine, le Mali et cet été 2023 mon rêve s’est réalisé ! Avant ce voyage, l’Afrique me semblait être un continent imaginaire. Car les seules fois où je pouvais voir ou entendre parler de l’Afrique c’était à travers la télé, les réseaux sociaux et les témoignages. Il faut savoir que j’ai passé toute ma vie en France. Aujourd’hui j’ai 23 ans et il était inconcevable pour moi de visiter un autre pays que le Mali pour mon tout premier voyage. Le Mali, c’était l’inconnu pour moi, donc avant mon voyage je me posais plein de questions bêtes sur le fonctionnement du pays, mais surtout j’avais peur de galérer avec le franc CFA, et j’étais assez frustrée de ne pas pouvoir parler couramment la langue. Les langues essentielles pour moi au Mali c’est le Bambara car c’est la langue la plus parlée sur le territoire et le Khassonké la langue de mon ethnie qui sont les Khassonkés. Ne maîtrisant ni la monnaie ni la langue, j’avais peur de me faire arnaquer, car ces savoirs fondamentaux que je n’avais pas font comprendre aux locaux que je ne vis pas sur le territoire. Je suis comme une touriste à leurs yeux. 

Crédit photo: DIALLO Dalla, vue du ciel sur Bamako

Crédit photo: DIALLO Dalla, aéroport international du président Modibo keita, Bamako

Crédit photo: DIALLO Dalla, Bamako commune 3

Le 24 juillet 2023 arrive le jour de mon voyage. Si vous saviez comment je souriais bêtement à l’aéroport jusqu’à mon arrivée à Bamako. J’étais tellement contente de pouvoir visiter mon pays d’origine ! Je ne me suis jamais sentie autant à la maison dès mon arrivée et pourtant je n’avais encore rien vu. Ce que je veux dire par rien vu c’est l’ensemble des paysages, le fonctionnement du pays, le côtoiement avec les locaux mais surtout la fameuse maison du bled qui se trouve dans la ville de Kayes à environ 400 km en avion de Bamako. 

Des retrouvailles émouvantes après 24 ans d’absence

Crédit photo: DIALLO Dalla, paysage sur le chemin de Kayes

Crédit photo:DIALLO Dalla, paysage sur le chemin de Kayes

Crédit photo: DIALLO Dalla, paysage du quartier où se trouve la maison du beld

Après quelques jours passés à Bamako, j’étais impatiente de quitter la capitale et découvrir la ville dans laquelle se trouvait la fameuse maison du bled. La route pour s’y rendre en car m’a fait découvrir un paysage magnifique. Rien que sur le chemin je sentais que ça allait être différent de Bamako. Kayes c’est comparable à une campagne, c’est très paisible. Arrivée à Kayes Ba* avec ma mère et mon grand frère nous nous sommes dirigés vers notre fameuse maison du bled. C’était un plaisir d’enfin pouvoir la voir en vrai. Je vous épargne les déceptions que nous avons pu avoir en voyant l’état de la maison, vous comprendrez plus tard les raisons de notre déception. Mais on reste positif car cette maison a quand même du charme dans le fond. Elle représente le travail acharné de ma maman qui a élevé seule ses 8 enfants et travaillé dur en tant que femme de ménage durant des années pour pouvoir se l’offrir. C’est le cas pour un grand nombre de nos parents, venus immigrer en France à la recherche d’une vie meilleure.

L’un de mes moments préférés, c’est la rencontre avec mon oncle resté au pays. J’entendais souvent parler de lui mais je ne l’avais jamais vu. Un soir, ma maman lui a fait une surprise. Elle a réussi à le faire venir à l’entrée de notre maison sans qu’il ne sache ce qui l’attendait. Surprise réussie, lorsque ma mère s’est présentée devant lui avec joie, les bras tendus. Mon oncle était très surpris et content de voir sa sœur après 24 ans. Mon frère et moi étions enchantés de pouvoir enfin faire la connaissance notre oncle.

Crédit photo: DIALLO Dalla, le pont entre Kayes N’di et Kayes Ba

Crédit photo: DIALLO Dalla, le village Doussoukané

Pas loin de Kayes à environ 20 minutes en voiture se trouve Doussoukané, le village natal de ma maman. J’y ai fait la rencontre de mes cousins, cousines, mes tantes** et autres membres de ma famille. C’était un moment très émouvant, surtout pour ma maman. Beaucoup de souvenirs lui sont remontés. La voir et l’entendre pleurer de nostalgie et de joie m’a fait pleurer. Des larmes que j’ai tenté de dissimuler, car j’avais peur d’être ridicule. À ce moment-là, je ne sais pas s’ils auraient compris que voir ma maman dans cet état m’impacte mais surtout, ce qui m’attristait c’était de ne pas pouvoir être accueillie par mes grands-parents, tous les deux décédés. La nostalgie que ressentait ma maman était due au fait que ses parents ne soient plus là. Elle repensait à ses moments de vie au village dans sa jeunesse ainsi que les souvenirs de son dernier passage en 1999 avant la mort de mon grand-père parti peu de temps après l’arrivée de ma maman en France. Aujourd’hui mes grands-parents ne sont plus là, mais j’étais très contente de me retrouver dans le village dans lequel ils ont vécu. D’une certaine manière c’est comme si j’étais à leurs côtés.

Au total j’ai passé 19 jours à Kayes. Depuis la première rencontre avec la famille du village, il ne s’est pas passé un jour sans que nous ne passions du temps ensemble à apprendre à se connaître. Cependant avec la barrière de la langue c’était assez compliqué. Mon oncle parle français mais ce n’est pas le cas pour une grande partie de la famille présente au village. Honnêtement, en étant au Mali, c’était à mon frère et moi de faire l’effort de parler en Khassonké avec notre famille. J’avais honte de m’exprimer en cette langue, peur de me tromper. En réalité j’en suis un minimum capable, c’est juste que je n’ose pas, n’ayant pas l’habitude de totalement m’exprimer en ma langue d’origine au quotidien. C’est un peu la même sensation que nous pouvons avoir nous les francophones lorsque nous devons parler en anglais. A la maison nous avons l’impression d’être bilingue mais lorsqu’il s’agit de parler en public, c’est la catastrophe. Au final, je n’ai pas eu d’autre choix que d’oser parler en Khassonké et j’en suis fière cela m’a également permis d’apprendre des expressions etc. Le jour du départ les au revoir étaient difficile. On ne se connaissait pas et le peu de jour passé ensemble nous a permis de tisser et renforcer les liens familiaux. 

Un premier voyage qui m’a appris des leçons de vie

Crédit photo: DIALLO Dalla

Comme dans chaque pays, il y a des aspects négatifs. Ces aspects négatifs je n’ai pas voulu les mettre en avant car ce n’est pas ce que je retiens de mon séjour. Vivant en France, durant mon séjour j’avais cet automatisme de faire des comparaisons. Cependant, il était important pour moi de rester respectueuse, patiente et empathique face à certaines situations. Ce que je veux dire par empathique, c’est comprendre le comportement, point de vue des locaux qui diverge du nôtre dû aux différences de mentalité. Être empathique nous a permis de donner une explication aux malentendus que ma mère, mon grand frère et moi nous avons pu rencontrer durant notre séjour, dont notre déception en voyant l’état de notre maison lors de notre arrivée à Kayes.

Je peux rappeler que nos parents ont tendance à investir dans des terrains au pays pour y construire des maisons et souvent la plupart n’ont pas l’occasion d’y retourner pour y vivre ou pour des vacances, de même pour leurs descendances.  Quand le moment vient de passer ses vacances au bled, à l’arrivée on s’aperçoit que les travaux ne se sont pas passés comme prévus. Un conseil que je peux donner c’est n’envoyez jamais de l’argent pour la construction d’une maison si vous n’êtes pas sur place, soyez présent tout le long des travaux pour éviter d’être déçu et surtout de perdre votre argent !

Il faut également être très patient, car l’organisation dans le pays est différente de ce à quoi nous faisons fasse dans notre quotidien imparfait en France. Par exemple, une demande d’électricité dans un logement en France peut se faire assez rapidement lors d’un emménagement. Pour notre cas au Mali ça nous prend beaucoup de temps, 5 mois après la demande nous sommes toujours en attente, donc il faut s’y prendre très à l’avance.

Crédit photo: DIALLO Dalla, de retour en France, Bordeaux vue du ciel.

Une autre grande leçon que j’ai apprise c’est que dans un sens nous les enfants d’immigrés nous avons de la chance d’être nés en France, d’avoir pu étudier « gratuitement », de pouvoir se soigner assez facilement à moindre coût, de pouvoir bien gagner sa vie lorsque la motivation y est. De pouvoir s’autoriser à rêver entre les passions, la découverte d’autres horizons. Parce que, le niveau de vie d’une grande partie de la population au Mali ne leur permet pas de vivre correctement. Cet inconfort est dû à l’instabilité politique et économique du pays qui évoluera dans le bon sens c’est évident, mais pour le moment beaucoup souffrent. Je comprends leur choix de vouloir partir pour espérer augmenter leur niveau de vie. Car après une discussion avec un jeune malien, il m’a fait comprendre que ce qui le motive à vouloir quitter le pays c’est uniquement le salaire très bas autour des 130€ qu’il touche en travaillant 6 jours sur 7 dans un restaurant. Selon moi on devrait remplacer le mot « bledard » par courageux, ou tout simplement ne plus l’utiliser pour parler des locaux de nos pays d’origine respectifs. Il est vrai que lorsque j’entends ce mot, et je ne suis pas la seule à le dire, mes pensées envers la personne sont péjoratives. Mais il ne faut pas oublier que nos parents le sont aussi des « blédards ».

Pour finir, en ce qui concerne le fait de retourner au pays d’origine en tant que descendant d’immigré.es ou immigré.es de la diaspora pour celleux qui s’y voient, ce retour ne peut qu’être bénéfique. Autant au niveau du bien-être procuré par les beaux environnements que nous possédons au pays que financièrement parlant. Investir au pays ne peut être que fructueux pour nous. Si nous ne le faisons pas, d’autres en profiteront et ça, c’est encore plus blessant. Je pense que nous souffrons assez comme ça au quotidien avec tous les éléments qui nous rappellent que nous ne sommes pas chez nous.

Dédicace aux deux Amadou, Ibrahim, Madou et Djibril. Les belles âmes rencontrées de Bamako à Kayes qui ont rendu notre séjour encore plus agréable.

Cher Mali Ba, je reviendrai et sans la barrière de la langue cette fois ci.

Dalla

*La ville de Kayes est divisée en deux parties séparées par le fleuve Sénégal. Il y a Kayes N’di  (Le petit Kayes) puis après la traversée du pont il y a Kayes Ba (Le grand Kayes).

**Quand je dis mes tantes je parle de la soeur de ma maman (appelée Bingi, c’est la traduction de tante en Khassonké) ainsi que les deux femmes de mon oncle (appelées Barimba c’est la traduction de tantes en khassonké pour désigner les femmes de mon oncle).

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