Les images : un outil de dénonciation au service de la lutte décoloniale ?

Crédit photo: Adeolu Eletu 

I 21.11.23 I FANNY LARADE

Archives (n.f) : Ensemble des documents concernant l’histoire d’une collectivité, d’une famille ou d’un individu (Larousse). Pour nous descendants.es de colonisés.ées et personnes issues de l’immigration, ce mot et son contenu participent à un devoir de mémoire plus important et douloureux qu’il n’y paraît. Documents administratifs, retranscriptions de témoignages ou encore journaux et propagandes racistes datant de l’époque coloniale, ces données chargées d’histoires retracent les parcours de nos aîné.es qui avant nous ont lutté pour la reconnaissance de leurs identités.

Archives (n.f) : Ensemble des documents concernant l’histoire d’une collectivité, d’une famille ou d’un individu (Larousse). Pour nous descendants.es de colonisés.ées et personnes issues de l’immigration, ce mot et son contenu participent à un devoir de mémoire plus important et douloureux qu’il n’y paraît. Documents administratifs, retranscriptions de témoignages ou encore journaux et propagandes racistes datant de l’époque coloniale, ces données chargées d’histoires retracent les parcours de nos aîné.es qui avant nous ont lutté pour la reconnaissance de leurs identités.

Plus que jamais, notre conscience collective nous permet de comprendre  l’importance de documents qui s’inscrivent dans le temps : leurs conservations représentent ce que l’on qualifie d’archives. Ainsi, dans notre volonté commune de vouloir dénoncer et représenter nos luttes quotidiennes, restent ces traces que nous léguerons à nos prochains afin qu’iels se prémunissent contre de nouvelles formes d’asservissements. C’est grâce à ces moyens de transmission que nos récits et parcours chronologiquement répertoriés, ainsi que notre Histoire commune sont d’autant plus symboliques. Un travail d’analyse des archives coloniales réalisé par certains.es.x, nous permet également de mieux comprendre les éléments dissimulés de cette dernière par les pays colonisateurs. Et les explications apportées sont souvent plus douloureuses à appréhender qu’elles ne le semblent, mais nécessaires à notre devoir de mémoire. 

Prenons par exemple le travail de l’artiste Seumboy Vrainom :€, dont le contenu participe à la diffusion de connaissances sur la compréhension de l’Histoire de nos pays colonisés par le biais d’archives. Bien plus qu’un vulgarisateur, on pourrait le considérer comme un initiateur du décryptage de documents coloniaux tant aux travers d’œuvres littéraires que de journaux. (Pour celleux qui n’auraient pas connaissance de son travail, nous vous invitons vivement à aller consulter la page Youtube d’Histoires Crépues dont le contenu regorge de vidéos). 

Aujourd’hui, nous sommes globalement d’accord pour dire que les images sont un des moyens les plus “efficaces” de dénonciation des violences que nous subissons. Leurs diffusions restent l’une des manières les plus explicites de dénoncer les actes barbares et racistes dont nos corps sont toujours victimes. Pourtant, si nous remontons une fois de plus le fil de l’Histoire, nous verrons là encore que la photographie n’a pas toujours été à notre service. Qu’il nous a fallu comme pour de nombreux acquis la comprendre, pour la conquérir et en faire une arme, ici au sens pacifique du terme. Car oui la photographie fut initialement utilisée à des fins de domination et de possession sur nos populations colonisées, dont l’usage premier était bien de nous asservir. Une fois les images de nos conditions clairement exposées, nos bourreaux pouvaient se vanter de notre soumission à la vue de toustes. Se furent donc les premières fois où concrètement les corps mutilés, bafoués de nos aïeux étaient exposés à l’échelle mondiale, prenant parfois même la forme de cartes postales. 

Pourtant, la photographie a également servi d’outil de dénonciation des crimes que les adversaires de nos tortionnaires perpétraient sur nos communautés afin d’assouvir leurs impérialismes d’ogres. Les clichés qui auraient réussi à traverser le temps, parfois éviter la destruction, restent insoutenables à regarder. Accentuant la cruauté des actes commis sur les corps de nos anciens. 

Parmi les actes de cruauté exécutés, rappelons-nous cette image prise le 14 mai 1904 qui aujourd’hui a été vue par plusieurs d’entre nous. Ce cliché sur lequel un homme noir, N’Sala, est assis pensif devant les mains et les pieds coupés de sa fille de cinq ans. Oui, car sous le règne de Léopold II roi de Belgique, tel était l’un des châtiments infligés y compris aux enfants pour n’avoir pas voulu ou assez ramassé de caoutchouc. Capturé au XIXème siècle par un couple de missionnaires britanniques résidant au Congo belge, l’usage inhabituel qui a été fait de ce dernier a servi à dénoncer l’insoutenable inhumanité subit par d’autres avant nous. À leur retour en Angleterre, Alice Seeley Harris et son mari John se saisissent des images qu’ils partagent dans un magazine de mission protestante qui fut très vite relayées dans la presse quotidienne. Ces images seront par la suite vues par la communauté internationale. 

Immigration et marché du travail : des inégalités qui persistent

Crédit photo: N’Sala, devant les mains et pieds coupés de sa fille de cinq ans, le 14 mai 1904 par Alice & John Harris

À des fins de dénonciation, la photographie joue un rôle essentiel dans la représentation des corps colonisés toujours violentés aujourd’hui. La diffusion d’images montrant ces corps continuellement assujettis prouve que celle-ci est un outil primordial dans la lutte contre les dominations subies par les populations considérées comme des minorités. Elle permet également l’entretien d’archives de nos histoires, illustrant concrètement la violence toujours infligée à nos corps marginalisés. 

Aujourd’hui même en ayant fait des images un outil de dénonciation de violences et crimes subis, cela ne suffit pas pour autant à obtenir justice lorsque les membres de nos communautés sont lâchement assassinés.es par la police. Malgré tout, continuons d’utiliser les outils créés par certains.es d’entre nous pour signaler ces crimes. Comme en utilisant l’application “Urgence notre police assassine” pensé par Amal Bentounsi en 2012 et servant de plateforme sur laquelle nous pouvons partager les images des violences dont nous sommes victimes. 

Crédit photo: Collectif “Urgence notre police assassine », fondé par Amal Bentounsi en 2012

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