La répatriation : revenir pour mieux se retrouver

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I 04.09.23 I David Luu

“Répatrié” est un mot-valise, formé par les mots “retour” et “expatrié”, qui désigne un individu retournant vivre dans son pays d’origine. Ici, nous avons rencontré trois personnes issues des diasporas qui ont vécu une expérience de répatriation et nous nous sommes intéressés à leurs expériences et ressentis…

 

“Répatrié” est un mot-valise, formé par les mots “retour” et “expatrié”, qui désigne un individu retournant vivre dans son pays d’origine. Ici, nous avons rencontré trois personnes issues des diasporas qui ont vécu une expérience de répatriation et nous nous sommes intéressés à leurs expériences et ressentis…

Qu’est-ce que la répatriation ?

Crédit photo: Jeff Vinluan

De plus en plus de jeunes issus des diasporas se laissent tenter par un retour au pays, cela porte un nom : la répatriation.

D’emblée, le terme peut porter confusion, il peut interroger. 

On parle de retourner dans un pays que l’on connaît mais dans lequel on n’a jamais vraiment vécu. Selon les générations, il va s’agir du pays de nos parents ou celui de nos grands-parents. Il existe un rapport paradoxal que Marie-France, française d’origine vietnamienne qui a été répatriée au Vietnam, décrit justement en parlant de la répatriation comme “revenir dans un pays familier en tant qu’étrangère”. 

Pourquoi ces enfants des diasporas veulent-ils retourner dans un pays où leurs ancêtres ont dû fuir ou partir ? Souvent, le parcours professionnel rejoint la quête identitaire. Ce cheminement en est devenu même “vital” pour Marie-France, qui en 2016 a eu l’opportunité de faire un stage de fin d’étude à Hô Chi Minh-Ville. Elle va y rester finalement 6 ans.

Cette quête identitaire peut soulever des interrogations de la part de l’entourage ou de la famille présente sur place. “En France, il y a des opportunités, non ? ” s’interroge la famille de Marie-Ange, étudiante française d’origine burkinabé partie faire un premier stage de 3 mois à Ouagadougou, au Burkina-Faso. Marie-Ange comprend l’étonnement de son entourage et met en lumière les inégalités liés à l’emploi entre les répatriés français·es et les locaux : 

Lorsque tu grandis au Burkina, tu fais des études là-bas, c’est compliqué, voire même très compliqué de trouver un emploi au Burkina et encore plus à l’étranger. Mais lorsque tu grandis en France et que tu as fait toutes tes études en France, c’est beaucoup plus facile de trouver un emploi où que tu ailles.

Marie-Ange

L’apprentissage de la langue

Crédit photo: Inalco

J’ai beaucoup reproché à mes parents de ne pas m’avoir transmis leurs langues mais avec du recul sur le contexte, je comprends”

Marie-Ange

nous partage Marie-Ange, qui aurait aimé parler le moré et/ou le dioula, langues parlées respectivement par son père et sa mère. Pour combler ce manque, elle compte à l’avenir retourner vivre au Burkina Faso pour s’imprégner de la culture et se reconnecter à ses origines en apprenant l’une des langues locales. 

Quel autre moyen que de parler la langue pour s’imprégner au mieux de la culture locale ? En arrivant au Vietnam, l’objectif de Marie-France était fixé : apprendre la langue. Elle, qui ne parlait pas encore correctement la langue, a connu des premiers jours de répatriation difficiles, elle raconte : 

Au début, c’était dur, il y avait ce sentiment de familiarité, de connaître les références des goûts, les noms et de pas être capable de communiquer ne serait-ce qu’au marché. J’avais parfois le sentiment d’être arnaquée. J’avais aussi le sentiment de décevoir les gens. Naturellement, iels me parlaient en vietnamien, donc j’étais contente mais mon niveau était encore insuffisant pour tenir une conversation.” 

Comme Marie-France, Julien s’est aussi répatrié au Vietnam pour apprendre la langue pour ainsi mieux comprendre la culture et le contexte social. 

C’était un vrai objectif pour moi, et je m’y suis mis à fond, confie-t-il, j’ai essayé de trouver la formule qui me convenait, j’ai suivi des cours à l’Université, j’ai pris des cours en groupe, après j’ai continué à suivre des cours particuliers et enfin à apprendre seul. Aujourd’hui, au bout de quatre ans de répatriation, je parle couramment le vietnamien”. 

Julien

Ni d’ici, ni de là-bas

La répatriation implique de se recréer un nouveau cercle d’ami·es, vers quelle communauté doit-on aller ? Julien avait une idée précise de ce qu’il attendait : J’avais une idée préconçue et binaire : c’est-à-dire que je m’étais dit, soit je vais rencontrer des Vietnamien·nes, des locaux, soit ce sera des expats, donc principalement des occidentaux. Je me suis dit “je ne suis pas au Vietnam pour traîner avec les expats !”Même son de cloche chez Marie-France “au début, je voulais essayer au maximum d’éviter les expatriés pour essayer de m’immerger au maximum avec des locaux”. 

Iels n’avaient pas anticipé une troisième option, celle des Viet Khieu que l’on pourrait traduire par “vietnamiens d’outre-mers” ou des diasporas vietnamiennes à travers le monde. Il confie “c’était vraiment une surprise, je ne l’avais pas anticipé, le fait de me retrouver avec des jeunes comme moi, d’origine vietnamienne, qui revenaient dans une démarche similaire” il poursuit “Cela m’a permis de rencontrer et partager avec des personnes qui vivaient cette expérience d’une manière assez proche.

Marie-France va même plus loin pour décrire la communauté Viet Khieuje crois que pour la première fois, moi j’ai eu un sentiment d’appartenance. Je ne me sentais ni entièrement française ni entièrement vietnamienne. Mais une troisième entité qui est la diaspora vietnamienne au Vietnam ou ailleurs, mais notamment dans cette temporalité et le fait d’être là, au Vietnam fait qu’on a cette alchimie. On se comprend dans nos questionnements et ça, ça m’a beaucoup, beaucoup portée.”

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Crédit photo: Hugo Heimendinger

Sur place, quelle est la place des répatriés ? Physiquement pas de France, culturellement pas du pays de nos aînés, ni d’ici ni de là-bas, “il y a vraiment cette combinaison de familiarité et d’étrangeté”, décrit très justement Marie-France. 

“Moi, à titre personnel, par exemple, j’ai mis du temps à me dire où était ma place ? un peu à réaliser, à comprendre et accepter un peu que j’aurais toujours cette place d’entre deux” confie Julien, “comme beaucoup au départ, on a un peu l’envie et l’illusion qu’on va se faire sa place, c’est à dire qu’on va être un peu acceptés comme des locaux”.

Il n’est pas question de se réinventer sous prétexte de se trouver dans un nouveau milieu mais d’accepter son identité et ses bagages 

“On se rend compte qu’on est des étrangers et on reste des occidentaux, parce qu’en fait on a été élevé et on a une culture occidentale avec tout ce qu’il y a derrière la culture.”

Julien

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