LA SÉRIE RAMY ou l’importance de la représentation 

I 10.03.23 I AYA ABOUELLEIL 

À l’ère des séries télévisées, les personnes racisées et issues de l’immigration continuent d’être sous représentées. Bien que nous assistons à une progression, cette représentation reste rare, ou alors incomplète, imprécise et ne fait parfois que reprendre et accentuer les clichés déjà présents dans nos sociétés. C’est dans ce contexte que l’existence de la série RAMY est absolument nécessaire. RAMY c’est une série américaine, sortie en 2019 et qui suit à travers trois saisons la vie de Ramy Hassan, un américano-égyptien vivant avec sa famille aux États-Unis, dans l’État du New Jersey. Ramy Youssef, créateur et réalisateur de la série est lui-même américain d’origine égyptienne, et s’inspire donc de sa propre vie pour traiter, ou au moins évoquer un nombre assez impressionnant de sujets liés à l’expérience des personnes immigrées et descendantes d’immigré·es dans les pays occidentaux. 

À l’ère des séries télévisées, les personnes racisées et issues de l’immigration continuent d’être sous représentées. Bien que nous assistons à une progression, cette représentation reste rare, ou alors incomplète, imprécise et ne fait parfois que reprendre et accentuer les clichés déjà présents dans nos sociétés. C’est dans ce contexte que l’existence de la série RAMY est absolument nécessaire. RAMY c’est une série américaine, sortie en 2019 et qui suit à travers trois saisons la vie de Ramy Hassan, un américano-égyptien vivant avec sa famille aux États-Unis, dans l’État du New Jersey. Ramy Youssef, créateur et réalisateur de la série est lui-même américain d’origine égyptienne, et s’inspire donc de sa propre vie pour traiter, ou au moins évoquer un nombre assez impressionnant de sujets liés à l’expérience des personnes immigrées et descendantes d’immigré·es dans les pays occidentaux. 

Le sort des personnes issues de l’immigration : un tiraillement permanent entre deux cultures 

Cette série fait du bien, et elle fait du bien car elle parle de nous.

La série se présente comme une comédie, et en effet la première saison, bien que traitant de sujets assez sérieux voir graves, reste légère et use de l’humour. Comme l’explique Ramy Youssef: « The whole point of watching a comedy is to be able to broach subjects that normal conversation finds very heated, and take a little bit of the heat out*”. Mais au fur et à mesure des saisons et des épisodes, le côté comique disparaît, et l’atmosphère devient beaucoup plus lourde et anxiogène, à l’image de l’état du personnage principal. Face aux difficultés de la vie de manière générale et à toutes les difficultés qu’il subit ou à laquelle il doit réfléchir et faire face en tant qu’homme arabe, musulman vivant dans un pays occidental et capitaliste, Ramy se perd.

* “Tout l’intérêt de regarder une comédie est de pouvoir aborder des sujets qui ont tendance à créer des tensions lors de conversations normales, et d’évacuer un peu la tension”.

Cette série fait du bien, et elle fait du bien car elle parle de nous. Elle parle de nos expériences et de ce qu’on traverse chaque jour. Le panorama des sujets traités ou évoqués est extrêmement large. Ramy Youssef fait le choix d’aborder le plus de choses possibles. Certaines références vont être évoquées de manière anecdotique, au détour d’une phrase ou d’une scène, comme l’amour des mères arabes pour la princesse Diana, la croyance en le Mauvais œil ou encore le rapport et l’importance de la nourriture en tant que connecteur au sein des familles arabes.

Mais le point commun, le noyau qui rassemble toutes ces problématiques est le combat permanent et fatiguant entre deux cultures, conduisant souvent à un sentiment de non appartenance.

Racisme à l’école et sur le lieu de travail, inégalité des chances, difficultés dans le monde du dating, rapport à la religion chaotique…Nombreux sont les sujets évoqués de manière plus complète. Mais le point commun, le noyau qui rassemble toutes ces problématiques est le combat permanent et fatiguant entre deux cultures, conduisant souvent à un sentiment de non appartenance. Ramy se confronte très tôt, encore écolier, à un traitement différent que le reste des américains, accentué par l’après-attentats du 9/11.

Les effets et conséquences de cette crise identitaire sont rarement voire jamais montrés dans les fictions à télé. Nombreuses sont les personnes issues de l’immigration qui ressentent à un moment de leur vie un besoin intense, une nécessité absolue de retourner ou au moins rendre une longue visite à leur pays d’origine, à la recherche de réponses. Comme si à l’arrivée tout ferait sens, que les questions trouveraient magiquement réponses et qu’on assisterait à une sortie de crise. À la fin de la saison 1, on suit le périple du retour de Ramy en Égypte, et il est très intéressant de suivre le cheminement, avec un début optimiste et plein d’espoir, en passant par la désillusion et de la prise de conscience de la complexité des questionnements identitaires.  

En parallèle de cette crise identitaire peut se trouver aussi une crise religieuse. C’est assez intéressant, même prenant, d’assister à ce cheminement, très personnel, sur nos écrans. En l’occurrence, on voit Ramy passer par des moments d’abandon complet ou quasi-complet de sa croyance et ses pratiques religieuses. Ou à l’extrême inverse en consacrant sa vie uniquement à la religion, notamment à travers une pratique soufie. Que ce soit au sujet de la religion ou du reste, on observe les effets psychologiques que ce combat a sur Ramy, le poussant à des comportements contradictoires et irrationnels. Le personnage en devient parfois, même souvent détestable aux yeux du spectateur. Cet aspect psychologique de la série n’est pas le sujet central de notre article, mais il est important de souligner sa présence et son apport. 

Un tiraillement commun mais des réalités différentes : focus sur la famille de Ramy  

La série suit non seulement Ramy, mais aussi les membres de sa famille. Leur présence est essentielle puisqu’elle permet au réalisateur de décliner les différentes façons dont chacun des personnages, selon son âge, sexe, statut va concrètement vivre les discriminations et difficultés vécues. 

À titre d’exemple, à travers le personnage de Farouk Hassan, le père de Ramy, nous avons un aperçu de ce que peut ressentir un père de famille, qui a fait le choix de quitter son pays pour espérer une meilleure situation économique pour lui et ses enfants ailleurs, mais qui se retrouve à faire face aux inégalités sur le marché du travail. Il se retrouve à être dévalorisé malgré le fait d’être sur-diplômé et de disposer d’une grosse expérience professionnelle passée dans son pays d’origine. S’ensuit comme conséquence une certaine solitude, qui peut parfois entraîner des soucis de santé mentale. 

Avec Dena on assiste également à une panoplie de problématiques que les filles racisées peuvent rencontrer dans les pays à dominance blanche, comme notamment la fétichisation dans le dating ou dans le couple. 

De plus, cela mène souvent à une pression, intentionnelle ou non, vis-à-vis des enfants qui doivent absolument réussir à l’école, à l’université, au travail. Cette pression est conduite par la peur que les sacrifices faits soient vains. Maysa Hassan, la mère de Ramy doit également faire face à la solitude, dans un pays dans lequel elle a beaucoup de mal à comprendre et rattraper des codes sociaux qu’elle n’a pas. Enfin, avec la présence du personnage de Dena Hassan, sa sœur, on observe les différences dans l’éducation des deux, avec un plus grand contrôle sur la fille, une plus grande pression pour se marier. Avec Dena on assiste également à une panoplie de problématiques que les filles racisées peuvent rencontrer dans les pays à dominance blanche, comme notamment la fétichisation dans le dating ou dans le couple. 

Bref, les sujets évoqués sont nombreux, on pourrait encore parler de la négrophobie dans les sociétés arabes musulmanes qui est abordé lorsque Ramy est en relation avec une fille afro-américaine, ou encore du rapport à la psychologie, mais il est temps de vous laisser regarder la série. La série n’est évidemment pas parfaite, et ne prétend pas l’être. On reste tout de même sur une série américaine avec certaines maladresses, des interprétations trop excessives ou des choix de scénario osés. Mais la série vaut tout de même le détour, pour son casting. Tous les acteurs sont des natifs ou des personnes issues de l’immigration. Mais également et surtout car c’est la première fois que des sujets aussi personnels sont traités de manière aussi profonde dans une série. Comme le dit Ramy Youssef, beaucoup de mots peuvent décrire cette série, mais sa préférée est “Naked*”. C’est cru et dur mais nécessaire. 

* “Nu”.

D’AUTRES ARTICLES QUI POURRAIENT VOUS PLAIRE