La Palestine nous Rassemble : tisser et renforcer les liens depuis l’exil

Crédit image : La Palestine nous Rassemble

I 15.07.25 I ZEINEB

Dans un contexte d’urgence et de défis multiples pour les Palestinien·nes, y compris depuis l’exil, focus sur l’histoire et le travail de l’association La Palestine nous Rassemble :  enjeux de transmission de la culture palestinienne, défis posés par l’arrivée des rescapé·es du génocide à Gaza ces derniers mois, et pistes pour soutenir et agir concrètement. 

Dans un contexte d’urgence et de défis multiples pour les Palestinien·nes, y compris depuis l’exil, focus sur l’histoire et le travail de l’association La Palestine nous Rassemble :  enjeux de transmission de la culture palestinienne, défis posés par l’arrivée des rescapé·es du génocide à Gaza ces derniers mois, et pistes pour soutenir et agir concrètement. 

Un enjeu de transmission 

Née il y a plusieurs années des liens entre Palestinien·nes ayant grandi et/ou s’étant engagé·es en France autour de la lutte pour la libération de la Palestine, l’association La Palestine nous Rassemble s’est construite comme espace d’organisation, d’entraide, de rencontre et de renforcement par et pour la communauté palestinienne. Avec la naissance d’une nouvelle génération, elle s’est aussi particulièrement concentrée sur un travail de transmission et pédagogie pour les plus jeunes, un “aspect pédagogique inscrit dans l’ADN de l’association”, avec en filigrane la question de la transmission, explique Dalia de La Palestine nous Rassemble : “Comment transmettre une culture en exil, qui peut-être à soi-même a été transmis à distance ?”. Une culture également “pillée, appropriée, annihilée” : comment dès lors parvenir aussi, dans un contexte de lutte, à donner aux plus jeunes “des espaces et outils pour apprendre leur culture dans un espace de force et pas seulement dans des espaces de douleur ?” 

Comment transmettre une culture en exil, qui peut-être à soi-même a été transmis à distance ?

Entre les risques d’appropriations plurielles – colonisation d’un côté et essentialisation de l’autre -, créer des espaces d’expression depuis une centralité palestinienne 

Au printemps 2023, l’association organise le premier d’une série d’événements pour la première fois ouverts à un public plus large : Falastiniyat (“Palestiniennes”). Conçu comme “le premier chapitre d’une série dont l’objectif était de choisir un pan de la culture palestinienne, comme porte d’entrée pour aborder pleins de sujets d’histoire, de société, de culture, de communauté, d’art, d’artisanat autour de la Palestine… pas seulement par le prisme unique de la colonisation, même si elle est présente lorsqu’on parle de tous ces sujets-là”. Ce premier événement public est un franc succès : “Ce n’était pas forcément quelque chose d’habituel de voir des Palestinien·nes parlant d’elleux-mêmes”, puisque les espaces traditionnels d’engagement autour de la cause palestinienne ne sont en France pas centrés autour de Palestinien·nes. De ce fait, pour beaucoup de Palestinien·nes, le seul contact avec des espaces de militantisme se faisait jusqu’alors dans ces contextes où peuvent se manifester des formes de violences : “de la marginalisation, du gaslighting, ou le fait de devoir contribuer à des initiatives parfois maladroites…”.

L’idée des Falastiniyat est aussi de porter des événements permettant de “recomplexifier” et donner à voir “une culture vivante, évolutive, dans sa diversité”, qui peut rapidement être occultée lorsqu’elle se trouve prise dans des risques d’appropriations plurielles. Face à la menace de l’annihilation et de l’appropriation par la colonisation, la culture palestinienne peut en effet également se retrouver confinée dans des narrations la figeant dans “un rapport nostalgique” : “Le soutien indéfectible à la Palestine peut mener à des actions, mais l’émotion à laquelle on a alors souvent recours, c’est une émotion de l’ordre du nostalgique”, souligne Dalia. “L’idée de nos événements c’est que ça soit une culture vivante, évolutive, qui se développe, se transforme, qui soit diverse. Figer dans un passé presque idéalisé n’est pas forcément la meilleure façon de concevoir l’avenir.”

Les espaces de lutte et de solidarité peuvent aussi paradoxalement alimenter des formes d’essentialisation des symboles de lutte et de résistance associés à la Palestine, voire des formes d’appropriations et/ou de fétichisation des cultures arabes plus largement, et de la culture palestinienne en l’occurrence. 

Crédit photo: La Palestine nous Rassemble

Mobilisations pour la Palestine depuis 2023 : multiplication d’événements culturels et accentuation de ces défis narratifs de représentation et de transmission  

Ces enjeux de visibilité et de narration ont été largement mis en lumière par la mobilisation croissante en réponse au génocide en cours à Gaza depuis fin 2023. Dans l’intensité de cette mobilisation, La Palestine nous Rassemble a participé à la structuration du mouvement de solidarité avec la Palestine dans les milieux culturel et artistique. Tout d’abord en co-impulsant la mise en place du réseau Artists Against Apartheid. Puis également en proposant des outils et préconisations pour l’organisation d’événements culturels en solidarité avec la Palestine qui se multiplient alors, afin d’être attentifs aux voix et discours mis en avant et d’assurer le fait de “laisser la parole à des profils palestiniens diversifiés mais qui disent tous quelque chose de la Palestine.” 

Soirée “Gaza, Paris est avec toi”, en juin 2024 (projection du documentaire « Gaza : fuir le génocide  » de Meriem Laribi) / Crédits photo : Instagram La Palestine nous Rassemble

Ce nouvel espace d’action a engendré beaucoup de travail et de sollicitations vers l’association cette dernière année, ce qui résulte aussi de la visibilité plus grande des Palestinien·nes à cause du génocide : “On a fait appel à nous en tant qu’association exclusivement palestinienne pour le plus possible remettre les Palestinien·nes au centre d’une narration qui nous concerne, ou alors c’est nous qui nous sommes battus pour le faire là où on voyait que ce n’était pas fait.”

Mise en place du Comité National d’Accueil et de Soutien aux Rescapé·es du génocide en Palestine (CNASaR) : nouveaux défis matériels

Avec l’arrivée en France de familles rescapé·es du génocide à Gaza à partir de fin 2023, La Palestine nous Rassemble a mis en place un comité d’accueil et de soutien pour garantir un accueil digne. Une organisation qui n’entend pas se substituer aux dispositifs d’accueil de l’État, mais dans un contexte de manque de moyens et aussi de manque de volonté politique, voire d’abandon des familles réfugiées, vise à pallier nombreux manquements et assurer un minimum de soutien et de suivi médical, social, juridique, administratif, financier, linguistique pour les familles arrivées en grande partie pour des raisons médicales ou regroupements familiaux dans l’urgence des premiers temps de l’arrivée en France. Pour le comité, le défi n’est pas mince : le travail est constant pour répondre seulement à l’urgence le temps d’être correctement pris en charge dans les dispositifs prévus par l’État. 

L’hospitalité qui s’organise aujourd’hui s’inscrit dans la continuité du travail mené par l’association autour de la construction d’espaces où faire communauté. Elle doit toutefois s’adapter à de nouveaux défis très concrets. “Ce ne sont pas les mêmes réalités de solidarité à mettre en place”, résume Dalia. Il s’agit désormais de répondre à des enjeux multiples : matériels, juridiques, financiers et psychologiques. Cela passe par l’accompagnement dans les démarches de demande d’asile, le soutien à des personnes blessées — parfois en fauteuil roulant — logées dans des hébergements inadaptés, ou encore la garantie d’un accueil digne dès l’arrivée sur le territoire.

Depuis octobre 2023, les conditions d’accès à une protection internationale pour les Gazaoui·es ont évolué positivement. Le CNASaR poursuit son travail pour faire évoluer la doctrine de l’OFPRA, l’Office national chargé de la protection des réfugié·es et des apatrides, afin qu’elle reflète davantage les réalités vécues par les Palestinien·nes de Gaza et qu’elle soit pleinement alignée avec les critères définis par la Convention de Genève de 1951. Malgré cela, beaucoup de Palestinien·nes restent réticent·es à engager une demande d’asile. Être désigné·e comme réfugié·e une seconde fois dans une vie représente une charge psychologique lourde. Nombreux·ses sont celles et ceux qui expriment un attachement profond à Gaza, et faire cette démarche revient aussi, symboliquement, à accepter la possibilité de ne plus jamais y retourner. La demande d’asile demeure cependant bien souvent la seule voie de régularisation rendue possible par les autorités françaises, ce qui rend l’accompagnement dans cette procédure d’autant plus indispensable.

Récemment, cet accompagnement a permis, avec l’appui d’autres associations et collectifs (Collectif des Avocat·es France Palestine, Amnesty International, le GITSI, la Cimade, la LDH) une “victoire historique pour le droit d’asile des Palestinien·nes” en France avec le rendu d’une décision de la Cour Nationale du Droit d’Asile, saisie par Mme H. rescapée de Gaza : cette décision reconnait que les Palestinien·nes de Gaza y sont persecuté·es en raison de leur nationalité, et marque ainsi un tournant juridique majeur (CNDA, 11 juillet 2025, Mme H., n° 24035619, R).

Être désigné·e comme réfugié·e une seconde fois dans une vie représente une charge psychologique lourde

“À la Table de Gaza” : la maison comme espace de reconstruction dans la perspective du retour 

Fin avril dernier, à la Bellevilloise, avait lieu un dîner organisé par La Palestine nous Rassemble en collaboration avec Artists Against Apartheid aux bénéfices du CNASaR : “À la Table de Gaza”, proposant de se rassembler autour de l’idée d’une table et d’une maison partagée le temps d’une soirée. “Au sein de la communauté palestinienne, c’est acquis que l’objectif de tout le monde, c’est le retour”, rappelle Dalia. Dès lors, “la question de la maison (au sens de “home” au-delà de “house”), c’est celle de faire une maison qui va permettre de reprendre des forces, une maison de puissance, qui va être un terreau fertile pour la guérison et la reconstruction dans une énergie positive. Et ça c’est ce qui sert à faire tenir et faire vivre la communauté palestinienne à distance.” 

Crédit : Instagram La Palestine nous Rassemble

Hospitalité et solidarité concrètes : comment soutenir les actions du CNASaR 

L’hospitalité comme valeur, mais aussi comme actions concrètes que doit assurer le CNASaR : face aux nouveaux défis à relever par l’association depuis la création du comité, celle-ci doit depuis plus d’un an mener un travail considérable de recherche et structuration des ressources humaines et financières pour assurer ses missions.

Pour soutenir concrètement, il est possible de contacter directement le comité pour proposer une aide/des compétences juridiques, médico-sociales, des réseaux utiles… Les bénévoles investi·es au sein du CNASaR réunissant en effet des personnes différentes – ou en plus – de celles qui constituent le noyau palestinien de l’association pour ses actions organisées par/pour les Palestinien·nes. 

Et bien sûr on peut soutenir financièrement le travail du CNASaR, par exemple en proposant des événements ou médiums pour relayer les besoins et lever des fonds. Fin mai, le rappeur Médine s’est ainsi associé à la plateforme Featuring pour une loterie solidaire aux bénéfices du CNASaR. Ou en faisant des dons – défiscalisables – directement, en contactant l’association (cf. contact en fin d’article) et en restant branché·es à leurs réseaux sociaux pour être au courant des prochaines cagnottes : les fonds récoltés permettent de soutenir les missions assurées par le comité pour défendre les droits des rescapé·es du génocide et fournir une aide d’urgence, mais aussi pour créer des moments et espaces chaleureux comme des activités culturelles ou encore l’achat de cadeaux de l’Aïd ou l’organisation de camps d’été pour les enfants et adolescents, à soutenir aussi très bientôt !

Et ainsi maintenir le tissage des liens d’une hospitalité comme force de reconstruction, et la continuité des actions et activités, à travers les différentes vagues d’évacuation qui ont lieu depuis fin 2023 et qui pourraient encore avoir lieu à l’avenir.

Pour tout contact, question, don : lapalestinenousrassemble@gmail.com 

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