CHRONIQUE D’ÉTÉ

FEUILLETON MAROCAIN

Le choix

Le choix

Crédit photo : Zahra Allouche-Binet

I 03.11.23 I Zahra Allouche-Binet

Le choix - Feuilleton marocain n°10

par زهرة

Une moitié d’année plus tard.

J’aurai du être en France, préparer ma rentrée et reprendre là où j’en étais. Le dilemme s’est posé – rentrer ou rester ? J’étais au Maroc pour une durée déterminée. L’expérience était agréable voir même enrichissante.

L’expérience.

S’imaginer dans le pays d’origine de ses parents pour une durée indéterminée change la donne. Aller chez Ikea, Carrefour ou écouter Radio France en podcast de manière occasionnelle parce que, une fois de temps en temps c’est rassurant et réconfortant, c’est amusant. Mais si ces points de repères* dans mon quotidien marocain « une fois de temps en temps » deviennent « tout le temps » à l’idée d’y rester ? Et si la routine qui essayait de quadriller un nouveau quotidien en calquant les mêmes activités de la France au Maroc n’étaient maintenant plus « en attendant de rentrer » mais « pour un temps indéterminé » ?

Ma « répatriation » n’est pas un retour dans mon pays mais un retour dans le pays de mon père. Ses madeleines de Proust ne m’appartiennent pas et s’estompent en même temps que l’été. Ses points de repères qu’il venait y chercher sont pour moi à récupérer de l’autre côté de la Méditerranée. Et aussi hostile que soit la France, je ne suis pas fabriquée pour le Maroc. Et si le bled de l’été était hostile à l’année ? 

Je continuerai de m’y sentir imposteur prenant peut-être des opportunités que mes privilèges m’ont accordés – mais après tout, il faut bien récolter ce que nos parents ont semé – les fruits d’une illégitimité transcontinentale. Des deux côtés on continuera de me demander mon origine – au Maroc je suis française, en France je suis marocaine – ne charriant avec les réponses de mes positions pas les mêmes bagages. Au Maroc je resterai zmigria, en France, fille d’immigré. 

Hybride colon.isée.

Merci d’avoir suivi ces quelques mois en un été,

toujours en transit, du 6 février au 13 octobre 2023

زهرة

Allah y rahmo با

Nous sommes tous des enfants de Palestine

*je ne résume pas le quotidien en France à Ikea et Carrefour…

Française et Marocaine, Zahra Allouche-Binet est chercheuse, diplômée de la Haute École des Arts du Rhin et de l’Institut d’Ethnologie, à Strasbourg. Début 2020, elle commence une enquête au Maroc sur les espaces liminaux – des objets entre « art » et « artisanat » aux conditions diasporiques des descendants d’immigré.e.s. En parallèle, elle est critique culturelle et écrivaine pour Bissai Media et Dune Magazine. Pour encore plus de contenu de Zahra, rdv sur son site internet allouchebinet. com

Zahra Allouche-Binet