CHRONIQUE D’ÉTÉ

FEUILLETON MAROCAIN

Mahrba*

*« Soyez le bienvenue »

Crédit photo : Zahra Allouche-Binet

I 08.06.23 I Zahra Allouche-Binet

Souvent quand on rencontre quelqu’un pour la première fois, notre prénom, nos études ou notre activité nous servent à nous présenter. Quand je rencontre quelqu’un pour la première fois ma présentation se résume en deux phrases : 

« Ma mère est française. Mon père est marocain. »

Je suis un corps né dans un hôpital de « l’Occident » à qui l’on a traduit un prénom. زهرة veut dire Rose en arabe. Le prénom de ma grand-mère paternelle m’a été attribué dans la région de mes grands-parents maternelles, le 15 octobre 1999 – Zahra un hybride colon.isé. 

Ma mère est française et mon père est marocain. Je suis une fille, cis-genre, hétérosexuelle et valide comme le veut la norme. Je suis blanche, aux yeux bleus, les cheveux longs, lisses et bruns. Seul mon « nez d’arabe » dénote mon white passing*. Mon prénom et mon nom de famille prononcés à la française m’assurent une invisibilité sociale confortée par mon lieu de résidence à tendance FN dans la campagne française, un parler à l’accent normand et une religion non-identifiable à première vue. Je suis ce que l’on pourrait nommer d’assimilée. Une bonne enfant d’immigré « loin du cliché de la beurette, fille de blédard de banlieue à l’argot et aux manières impudiques et impropres à ce que la République attend de nous ». Tellement assimilée que ma première amie non-blanche c’était à mes 20ans. 

* Être d’apparence suffisamment blanche pour éviter discriminations et racisme au faciès.

C’était très exactement le jeudi 14 novembre 2019 en toute fin d’après-midi. Ça fait très exactement 3ans et 7mois. C’est très exactement elle qui m’a mis un pied dans la traversée de la déconstruction et de l’apprentissage de mes races. 

Alors salut, moi c’est Zahra. Ma mère est française. Mon père est marocain. Je suis née en France et aujourd’hui je vis au Maroc. Mahrba dans cette chronique d’été à l’image des feuilletons marocains du Ramadan. Tous les vendredi, jour de jumu’ah sur fond de sons quotidiens marocains ou de musiques arabes, je vous écrirai de Rabat. 

en transit, le dimanche 4 juin 2023

زهرة

Française et Marocaine, Zahra Allouche-Binet est chercheuse, diplômée de la Haute École des Arts du Rhin et de l’Institut d’Ethnologie, à Strasbourg. Début 2020, elle commence une enquête au Maroc sur les espaces liminaux – des objets entre « art » et « artisanat » aux conditions diasporiques des descendants d’immigré.e.s. En parallèle, elle est critique culturelle et écrivaine pour Bissai Media et Dune Magazine. Pour encore plus de contenu de Zahra, rdv sur son site internet allouchebinet. com

Zahra Allouche-Binet