Avoir des cheveux crépus en 2023, ou comment se reconnecter avec son identité capillaire

Crédit photo: ©Jessica Felicio

I 18.12.23 I Mona Koyamba

Selon le Conseil représentatif des associations noires de France,  près de 20% de la population serait pourvue de cheveux dits “texturés”, c’est-à-dire, bouclés, frisés ou crépus (le fameux BFC). Pourtant, ces types de cheveux sont encore marginalisés et stigmatisés, de par leur non-conformité aux canons de beauté occidentaux. Cependant, l’horizon semble s’éclaircir grâce au travail de sensibilisation des personnes racisées portant ces cheveux, et notamment le cheveu crépu.

Selon le Conseil représentatif des associations noires de France,  près de 20% de la population serait pourvue de cheveux dits “texturés”, c’est-à-dire, bouclés, frisés ou crépus (le fameux BFC). Pourtant, ces types de cheveux sont encore marginalisés et stigmatisés, de par leur non-conformité aux canons de beauté occidentaux. Cependant, l’horizon semble s’éclaircir grâce au travail de sensibilisation des personnes racisées portant ces cheveux, et notamment le cheveu crépu.

Un cheveu (encore) discriminé 

Malgré que des millions de français.e.s portent ce type de cheveux, le cheveu crépu , ou afro, est encore vu comme une anomalie capillaire. 

Bon nombre de personnes afro-descendantes ont déjà subi au moins une fois des remarques racistes et exotisantes vis-à-vis de leurs cheveux,  telles que “crinière de lionne”, “t’as branché tes cheveux dans une prise ?”. La fameuse question “je peux toucher ?”, en apparence anodine, renforce cette altérité en faisant apparaître le cheveu afro comme une étrangeté sur laquelle on a envie de mettre la main dessus, sans le consentement de la personne concernée.

Cette stigmatisation  du cheveu crépu peut s’expliquer par un culte du cheveu lisse encore très prégnant en France, et qui constitue un énième héritage de la colonisation, comme le montre la sociologue Juliette Smeralda dans son livre Peau noire, Cheveu crépu – L’histoire d’une aliénation (2004). Encore aujourd’hui, les canons de beauté occidentaux correspondent à la blancheur, la minceur, et à la raideur des cheveux. Cela se reflète dans des concours de beauté comme Miss France, où les équipes de coiffure sont formées à coiffer des cheveux lisses mais pas crépus. Ce manque de formation a donné lieu à des gros ratés comme ce fut le cas pour la Miss Aquitaine 2022, dont la coiffure afro a été “sabotée” par les coiffeurs.ses. du concours.

Ce culte du cheveu lisse se répercute également dans le monde du travail. Selon cet article de Refinery 29,  une étude de la Perception Institut a montré qu’une femme noire sur cinq se sent obligées de se raidir les cheveux par le lissage ou la pratique nocive du défrisage. Le but est de se conformer à ce critère de beauté, en rendant le cheveu afro plus “professionnel”.

Crédit photo: © Juliette Smeralda

Se réapproprier son identité

Face à ce constat implacable , ce sont les personnes de la team “BFC” qui vont prendre les choses en main, afin qu’avoir des cheveux crépus en France ne soient plus un problème mais une fierté. Se réapproprier ses cheveux signifie avant tout d’apprendre à les aimer en s’informant sur leurs caractéristiques et les méthodes pour en prendre soin. De nombreuses ressources sont aujourd’hui à disposition, à commencer par l’André Walker Hair Typing System, un système de classification créée en 1990 pour identifier les différents types de cheveux, en les classant du plus lisse (1A) au plus crépu (4C). On peut citer également le collectif Science Curls, ou encore les travaux de la sociologue Juliette Sméralda, mentionnée précédemment, qui aident à mieux comprendre notre rapport conflictuel à nos cheveux. Par ailleurs, la famille, les amis, ainsi que les coiffeurs.ses des salons afro, jouent un rôle clé dans cet apprentissage loin d’être évident, en distillant de précieux conseils entre deux nattes collées. De plus, avec l’avènement des réseaux sociaux, de nouveaux guides sous la forme d’influenceurs.ses apparaissent sur les plateformes comme TikTok, dans le but de conseiller des produits et des techniques pour chouchouter son cheveu afro. 

Crédit photo:  Lætitia Ky ©

Apprendre à aimer son cheveu crépu se fait aussi à travers des représentations positives. Cette démarche s’incarne notamment dans le mouvement nappy hair des années 2000-2010, qui fait référence à la volonté des femmes afro-descendantes d’arborer fièrement leur cheveu au naturel. Ce mouvement adopté par de nombreuses célébrités comme Solange, Knowles, ou Lupita Nyon’go, opère un retournement de stigmates en attribuant au mot “crépu” une connotation positive et revendicatrice. L’artiste ivoirienne Laetita Ky en est un parfait exemple. Celle-ci crée des sculptures inédites aux messages féministes à partir de ses propres cheveux, leur insufflant une puissance politique. Cet état d’esprit “nappy” s’incarne aussi dans des productions audiovisuelles réalisées par des personnes racisées et diffusées en France, comme le court-métrage Hair Love, ou la série documentaire Hair Tales, vibrant hommage à la beauté du cheveu afro.

Ce travail d’éducation et de sensibilisation vise également à former les coiffeurs.ses habitués.es à coiffer des cheveux raides, à sublimer le cheveu afro. Le studio Boucle d’Ébène propose ainsi des formations dans les écoles de coiffure françaises autour des cheveux texturés, afin de combler cette carence. Le studio a par ailleurs récemment participé à un colloque autour d’un projet de loi contre la discrimination capillaire, qui sera bientôt porté à l’Assemblée nationale. Cette initiative populaire constitue un pas de plus vers la normalisation du cheveu afro en France.

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