Un bout de Bamako à Montreuil

I 08.09.21 I CHIGUECKY NDENGILA

Un bout de Bamako à Montreuil : surnommée Bamako-sous-Bois, Montreuil est l’un des bastions de la communauté malienne en Île-de-France. Balade au cœur de la « deuxième capitale du Mali ».

Qui ne connaît pas Bara, n’est pas Montreuillois. Le foyer qui accueillait autrefois des travailleurs migrants dont une majorité d’origine malienne est une véritable institution. Construit en 1968, rue Bara, d’où il tient son nom, il a été détruit en 2019 pour insalubrité. Qu’est devenu ce lieu emblématique ?

À travers les grilles du portail à la peinture verte écaillée, il ne semble pas en rester grand-chose. Des anciens locataires ont été relocalisés à 600 mètres, rue Hayeps. Une rue calme et paisible, bordée d’immeubles dépareillés qui lui donnent du relief. Les murs de la résidence sociale sont gris métallique tout comme l’escalier qui lie les deux étages. Un contraste avec le mur jaune fluo du coin boîte aux lettres, d’où une large fenêtre laisse entrer quelques rayons de soleil. Sur le rebord, une pile de livres avec en tête de file Fille du Nil de Gilbert Sinoué. La cour de l’immeuble est peuplée de vélos posés aux quatre coins de l’espace ouvert. Les sacs à dos isothermes Uber Eats, Deliveroo et Picard rappellent que ce n’est pas une boutique branchée de réparation de vélos.

Crédit photo : Mohamed Nohassi

« C’est dur, très dur »

Le son d’une télé allumée s’échappe d’un des logements du rez-de-chaussée. Toura*, grand trentenaire sort timidement la tête. À travers la porte légèrement entrouverte, il confie vivre dans cette résidence depuis trois ans. Il a connu le foyer Bara où il a vécu un an, hébergé par une connaissance. Pudique, il reste neutre quant à son passage à Bara. Il fait pourtant partie de ceux qui ont été expulsés à la suite de la fermeture définitive du foyer. « Avant d’arriver ici, j’ai vécu dans le foyer temporaire qui n’était pas vraiment un foyer, mais une maison transformée en accueil pour les expulsés. Ici, c’est beaucoup mieux. »

« Le Mali, bien sûr que ça me manque. »

Toura*, immigré malien, ex-habitant du foyer Bara à Montreuil

Il a quitté le Mali il y a près de dix ans pour fuir la guerre. Son timbre est teinté de nostalgie quand il évoque son pays natal. « Le Mali, bien sûr que ça me manque. » Pas étonnant qu’il se soit installé à Montreuil. Ici, il connaît du monde, ce qui ne l’empêche pas d’être miné par la solitude. « C’est dur, très dur », répète-t-il sobrement. « Je vis seul. On ne nous laisse pas vivre à plusieurs ici. C’est tout petit de toute manière. »  Il ouvre grand la porte pour montrer son studio de 18m2 qu’il paie un peu plus de 400€ grâce à son salaire de commis de cuisine. « Peut-être qu’un jour, si je rencontre une personne avec qui c’est sérieux, on pourra quand même vivre ensemble ici. » En attendant, Toura attend avec impatience la nouvelle résidence Bara, dont la livraison a été retardée.

Plus tard, Jérôme*, un homme d’une quarantaine d’années s’exclame quand j’évoque le foyer Bara, « Tout le quartier connaît Bara ! ». Il vit dans la résidence sociale depuis 2017 suite à un arrêté de péril qui l’a forcé à quitter son ancien logement. « Les locataires sont bienveillants. Le soir, ils sont posés dans la cour et grillent du maïs et des brochettes. Tu vois un peu les cours à l’africaine ? Et ben, ici c’est un peu comme une cour africaine sauf que c’est dans un immeuble ! Il y a vraiment une bonne ambiance ! ».

Quelques mètres plus loin, rue de Paris, un homme chauve et costaud fume une cigarette devant la Banque Malienne de Solidarité (BMS). C’est le vigile de cette banque exclusivement dédiée à la communauté malienne. « Ici, ce n’est que pour la communauté malienne. Pour leur permettre de pouvoir économiser, envoyer de l’argent au pays. » La BMS n’est pas très différente d’une banque française traditionnelle, si ce n’est que « quand on n’a pas de papier, on ne peut pas ouvrir un compte à la BNP. À la banque malienne de solidarité, si. » souligne le vigile. Il observe du coin de l’œil une femme et trois enfants qui s’approchent de l’établissement. Il doit filer, la solidarité n’attend pas.

*Les prénoms ont été modifiés

par @chipatate