Le Sabor Latino Month, une réponse à l’invisibilisation de la communauté latino en France

Crédit image : Sabor Latino month

I 14.10.22 I CHIGUECKY NDENGILA

Entre le cliché de la bomba latina et celui du dealer de coke, la représentation de la communauté latino dans l’imaginaire collectif est plus que déplorable. Il est rare de trouver une représentation riche et plurielle d’une communauté qui regroupent les personnes originaires des vingt pays latinos-américains et deux départements d’outre-mer qui y sont rattachés. Si nous zoomons pour nous concentrer sur la situation en France, on peut la résumer ainsi “On n’est pas représenté du tout”. Ce sont les mots de Claudia Rivera, 23 ans, française d’origine péruvienne par ses deux parents, réfugiés politiques arrivés en France dans les années 90. C’est cette invisibilisation de sa communauté qui a poussé l’artiste à créer des espaces d’expression, de réflexion, de découverte et de célébration de la communauté latino-américaine en France. 

La communauté latino en France : entre manque de représentation et exotisation

Lorsqu’on évoque les personnes racisées dans l’espace public, on s’arrête généralement aux communautés nord-africaines, afrodescendantes et asiatiques. “C’est très dur de grandir dans un milieu social où tu es totalement absent·e. Ça te fait te poser plein de questions sur ton identité. J’ai une très forte culture andine et quand je parlais de moi, on me réduisait à une identité de latina.” Si le terme latino soulève beaucoup de questions au sein même de cette communauté, il reste un outil de revendication et de réappropriation identitaires qui permet de se faire entendre dans un monde sourd à la diversité culturelle et ethnique des peuples regroupés sous ce terme colonial. Les latinos désignent, en effet,  à l’origine les personnes et les descendant·es de pays du continent américain colonisé par des pays européens de langue latine (l’Espagne, la France et le Portugal).  “Nous quand on utilise ce terme, on a conscience de la diversité que ça représente. On sait que les Latinos peuvent être blanc, noir, indigènes. C’est moins le cas des personnes extérieures à la communauté qui utilisent ce terme.

Lingala Lessons

Crédit photo : Claudia Rivera

Et quand représentation il y a, celle-ci est souvent le résultat des nombreux stéréotypes sur les latino-américains, stéréotypes perpétués par les médias et l’industrie du divertissement notamment. “Les gens ici ont vraiment un cliché de ce que seraient les latinos et quand tu n’y ressembles pas, c’est comme si on t’enlève une partie de ton identité.” Au-delà d’avoir des effets sur la construction identitaire de la diaspora latino née en France, ces stéréotypes alimentent les discriminations et micro-aggressions diverses envers la communauté. “Quand tu dis que t’es latino, en tant que femme c’est direct l’hypersexualisation, dès petite. Dès que tu arrives à l’adolescence, tu comprends que le terme latino cache quelque chose de sexuel et tu te construis à partir de ça. Ta langue est aussi associée à quelque chose de sexuel, alors que tu peux simplement être en train de parler de la liste des courses avec ta mère !  Ensuite, il y a tous les clichés autour de la violence, les trucs de narcos. C’est hyper violent, car dans nos pays des gens meurent et ici il y a tout un truc de romantisation de la situation.”

L’art de Claudia Rivera, un outil politique

“C’est pour ça que je fais ce projet. Ça part d’un besoin de représentation”

Crédit photo : Bettina Pittaluga

Inspiré par son père, Claudia Rivera comprend dès son plus jeune âge la puissance des images dans l’imaginaire collectif. Quand il retournait au Pérou, son père avait pour habitude de filmer ses proches. De retour en France, celleux ne pouvant pas retourner au pays pouvaient voir des images de leurs proches et du Pérou. Ces images étaient un moyen de reconnecter avec son pays d’origine. “La première fois que je suis allée au Pérou à 5 ans et que j’ai vu ça, j’ai vu comment les gens étaient touchés. Alors j’ai commencé à le faire aussi et j’ai eu envie de tout documenter. De déconstruire l’image que chacun avait de l’autre en montrant la vie d’ici et celle de là-bas.

Claudia Rivera n’a plus jamais cessé d’utiliser l’image pour ouvrir les esprits et ramener l’inconnu à la surface. En mars 2022, elle lance son premier festival pluridisciplinaire,  Ñañaykuna, tiré d’une série photographique du même nom, qui visibilise les femmes latinos et propose un regard nouveau sur leurs identités. Cet espace de sororité, elle a ensuite voulu le concrétiser à travers des événements où elle met en avant des femmes latinos-américaines. Un succès qui démontre le besoin auquel répondent ces initiatives.

Le Sabor Latino Month : un festival inédit en France

Et parce qu’un événement d’un jour était loin d’être suffisant tant il y a du travail à faire pour apporter du relief à la représentation des communautés latino en France, Claudia s’est lancée dans l’organisation du Sabor Latino Month. C’est le premier événement francophone de cette ampleur, inspiré du Latin Heritage Month américain qui a lieu chaque année du 15 septembre au 15 octobre. Ce mois dédié à l’héritage latino-américian depuis la fin des années 60 vise à reconnaître et célébrer les contributions et les influences de la communauté latino dans l’histoire et la culture américaine. Au Sabor Latino Month, ce sont les arts, les danses, la musique, la gastronomie et surtout l’histoire des Latinos-Américains qui sont célébrés et mis en avant.

Lingala Lessons

Crédit image : Sabor Latino month

Au programme, de quoi éveiller tous nos sens avec une journée autour de la gastronomie péruvienne, une jam session, une projection de documentaire, une table ronde sur le reggaeton, de la danse, de la musique, un talk, du nail art, des tattoo et bien plus encore. Le festival finira en beauté avec la soirée Ñañaykuna au Point Éphémère, le 29 octobre. Tout le programme de cet événement inédit est disponible ici. Vous savez ce qu’il vous reste à faire. À vos agendas !

Pour soutenir le Sabor Latino Month, participez à la campagne KissKissBankBank ici.